Par le pinceau sur la toile, le caillou révèle toute son essence. La sensualité et la sensibilité de l’artiste démultiplient tout…Le caillou devient à lui tout seul le monde minéral. Vous allez tourner autour, le regarder sous tous les angles à la fois, sous tous les éclairages, le voir à différents moments de son histoire, vous éloigner de lui, vous rapprocher…
Jusqu’à y entrer...
Christiane Bruley raconte la matière dans sa totalité. Quand ce n’est pas la pierre, c’est l’écorce, le feuillage, l’eau ou la glace.
Certains peintres nous apprennent le monde. Christiane Bruley est de ceux-là. Avec elle, la nature se fait plus lisible. Sensation de mieux la comprendre. Comment fait-elle donc?
- Par la couleur d’abord.
Profonde. Comme venue de l’intérieur. Les ocres, orange, verts, bleus ou blancs ont cette belle discrétion des choses du végétal et du minéral, cette étonnante résonance intime. Couleurs mates, sourdes. Pures et complexes à la fois.
La touche est spontanée et dynamique, tout en étant travaillée. Et s’en dégagent d’étonnantes impressions de volumes.
- Les lignes, elles, souvent bousculées ou fragmentées, comme autant de blocs fracturés et enchevêtrés, évoquent des veinures, des fissures, des incrustations, des mouvements internes…
- Et quand Christiane Bruley fait défiler ses variations, là aussi elle visite l’élément à fond. Les images se succèdent. Négatif d’un film qui se déroule. Elle aime ces séries qui sont de véritables introspections au cœur du sujet. Et notre regard monte et descend au gré de ces échelles du temps et de l’espace.
Un même motif est décliné de plusieurs façons. La composition reprend un thème, le traite différemment à chaque fois, tout en le laissant reconnaissable. Toutes les facettes de l’objet sont là. Toutes ses vies. L’œuvre est en mouvement. Un mouvement musical. Jazz ou musique classique accompagnent d’ailleurs toujours l’artiste dans son travail à l’atelier. Et maman est pianiste, papa violoniste…La boucle est bouclée…
- Quant à la matière, elle séduit Christiane Bruley. Son rapport à la matière est instinctif. Elle reconquiert celle de la pierre, de l’écorce ou de l’eau…Quelques froissements, quelques plis, une épaisseur, une granulation….Les sens sont en éveil.
Avec l’artiste, le pigment est déjà en lui-même une consistance vivante, mais elle lui ajoute souvent papier marouflé, poudre de marbre ou sable. Et, outre la toile ou le bois, elle choisit le carton comme support, jouant de son relief tuyauté, de ses stries, de ses alvéoles, de sa souplesse, de ses déchirures naturelles ou provoquées. Un matériau vulgaire soudain sublimé.
Au final, devant une œuvre de Christiane Bruley, les sensations ressemblent bien à celles que l’on peut éprouver devant un élément de la nature. (Le caillou, n’est-ce pas ! Ou autre !) Mais étonnamment plus intenses.
Il y a autre chose, à n’en point douter…On est loin de l’imitation, et peut-être même du processus d’abstraction.
La nature de Christiane Bruley est une nature réinventée.